04.06.2020

A Randomized Trial of Hydroxychloroquine as Postexposure Prophylaxis for Covid-19

Thérapeutique InfectiologiePneumologieTransversaleVirologie
Boulware DR et al
NEJM

Résultats principaux

  • Inclusion de 821 sujets asymptomatiques randomisés dans le groupe hydroxychloroquine (414 sujets) ou placebo (407 sujets) avec une moyenne d'âge de 40 ans avec 51.6% de femmes et 27.4% de comorbidités. Les deux tiers des sujets inclus étaient des professionnels de santé (66.4%) dont une majorité de médecins. L'exposition des professionnels de santé était due en grande majorité aux patients, tandis que pour ceux exposés à leur domicile, le responsable était surtout le conjoint. 87.6% des sujets ne portaient d'équipement de protection individuelle lors de l'exposition et 60% n'en portent jamais
  • Sur l'ensemble de l'échantillon, 13% des sujets ont développé la maladie au 14° jour. Il n'y avait pas de différence significative sur l'incidence de la maladie entre les groupes : 11.8% pour le groupe hydroxychloroquine contre 14.3% pour le groupe placebo (p=0.35)
  • Une hospitalisation dans chaque groupe est survenue et aucune arythmie ou aucun décès n'a été retrouvé. 11% des sujets ont été perdus de vue mais les analyses de sensibilité sur ces données manquantes n'ont pas modifié les résutlats
  • Différence significative d'observance du traitement entre les groupes : 75.4% pour le groupe hydroxychloroquine et 82.6% pour le groupe placebo (p=0.01). L'arrêt du traitement était majoritairement dû à des effets indésirables, principalement digestifs, beaucoup plus fréquents dans le groupe hydroxychloroquine : 40% vs 17% (p<0.001)
  • Parmi les participants, il n'y avait pas de différence importante entre les groupes sur la reconnaissance du traitement et donc sur le risque de levée d'aveugle sauf pour ceux n'ayant eu aucun effet indésirable à J5 qui étaient majoritairement convaincus d'avoir eu l'hydroxychloroquine : 68.2% vs 18.7% (p<0.001)

Que retenir ?

  • Le traitement préventif (prophylaxie) par hydroxychloroquine chez des sujets exposés au SARS-CoV-2 n'a pas montré une efficacité supérieure par rapport un placebo sur l'apparition de la maladie au 14° jour : baisse non significative de 2.4% de l'incidence de la maladie par hydroxychloroquine (11.8% vs 14.3% d'infections COVID-19).
  • Les effets indésirables étaient significativement plus fréquents chez les sujets traités par hydroxychloroquine (40% vs 17%), bien qu'aucun effet indésirable grave, notamment cardiaque, n'a été répertorié
  • Ainsi, le traitement par hydroxychloroquine n'a pas fait preuve de son intérêt en prophylactique pour le moment

Niveau de preuve Fort

Cet essai clinique randomisé, contrôlé en double aveugle est plutôt bien mené et reste l'un des essais les plus robustes disponibles actuellement sur ce traitement. Son recrutement pragmatique approche l'effet en vie réel. Il persiste malgré tout quelque biais :
- Changement des critères d'inclusion en cours d'essai introduisant de l'hétérogénéité dans l'échantillon
- Risque de biais de mémorisation et de biais de classement du fait de la méthodologie de recueil des données choisie (par auto-questionnaire à distance) et de la possibilité de décès non retrouvé
- Le diagnostic de COVID-19 (critère de jugement principal) peut être basé uniquement sur la symptomatologie clinique du patient recueillie par questionnaire (pas obligation de test PCR). Les critères définis sont plutôt robustes et en l'absence de confirmation virologique, les patients sont classés en "cas probables", mais il persiste un risque de biais de classement
- Le suivi des sujets peut ne pas être assez long (mesure à J14), certains patients développant les symptômes après 3 semaines et non prise en compte des cas asymptomatiques représentant une part non négligeable des infections COVID-19
- Plan d'analyse statistique robuste, y compris les analyses intermédiaires, mais utilisation d'un test non-paramétrique alors qu'un test paramétrique aurait certainement pu être réalisé
- Echantillon plutôt féminin de patients jeunes et en bonne santé, non représentatif de l'ensemble de la population infectée par le SARS-CoV-2 : bais du travailleur sain possible (majorité de professionnels de santé)
- Adhésion des patients différente entre les groupes avec observance moindre chez les sujets prenant de l'hydroxychloroquine mais causée par les effets indésirables du traitement

Objectifs

Evaluer l'efficacité de l'hydroxychloroquine comparé à un placebo pour prévenir le développement de la maladie COVID-19 après exposition (prise prophylactique)

Méthodes

  • Essai randomisé, contrôlé contre placebo, en double aveugle, multicentrique et binational (nord-américain)
  • Critères d'éligibilité : exposition au SARS-CoV-2 dans les 3 jours précédents (objectif de traitement pendant la période d'incubation) pour des sujets avec exposition professionnelle (soignants) ou domestique, puis inclusion des sujets exposés dans les 4 jours à un patient avec PCR positive au SARS-CoV-2. L'exposition a été définie comme la présence d'une personne infectée pendant 10 minutes dans un rayon d'1,80 m sans dispositif de protection individuel. Les sujets symptomatiques ou hospitalisés ont été exclus de cet essai préventif.
  • Recueil des données : Recrutement des participants via les réseaux sociaux et les médias puis suivi des sujets à distance (par mail) à J1, J5, J10 et J14. Enfin, réalisation d'une enquête à la 4° et 6° semaine pour recueil des données avec plusieurs méthodes de relance mises en place. Si échec, vérification du statut vital du patient.
  • Intervention : randomisaton 1:1 par blocs permutés stratifiée sur le pays et assignation séquentielle pour chaque participant du traitement, soit placebo, soit hydroxychloroquine sulfate à la dose de 800 mg pour la première prise, puis 600 mg 6 à 8 heures après, ensuite 600 mg/jour pendants 4 jours soit un traitement total sur 5 jours (19 comprimés). La posologie a été choisie pour permettre une concentration plasmatique maximale à J14. Cette posologie était divisée par 2 en cas de troubles gastro-intestinaux préalables. Recueil des effets indésirables lors de ces questionnaires.
  • Critère de jugement principal = maladie COVID-19 symptomatique confirmée par PCR à J14, sinon "cas probables" sur la base de la clinique en suivant les critères définit nationalement (présence de toux, dyspnée, fièvre, frissons, myalgies, céphalées, pharyngite, troubles de l'olfaction ou du goût) voire "cas possible" si moins de symptômes présents
  • Critères de jugement secondaire (à J14) : incidence des hospitalisations pour infection confirmée à COVID-19, incidence des symptômes du COVID-19, incidence de l'arrêt d'étude et la sévérité des symptômes à J5 et J14
  • Statistiques :
    • Calcul d'effectif basé sur l'hypothèse raisonnable de 10% d'infection après exposition, sur une puissance à 90% et 20% de perdus de vue pour un total de 750 sujets
    • Analyses intermédiaires de sécurité prévues à 25% et 50% du recrutement par le comité de suivi indépendant avec utilisation de la méthode de dépense du risque alpha Lan-DeMets + analyse de la puissance pour futilité. Réduction de la taille de l'échantillon à 956 sujets à la deuxième analyse intermédiaire car puissance supérieure à 90%
    • Analyse statistique : utilisation d'un test de Fisher pour les critères de jugement et analyse en intention de traiter. Analyse de sensibilité pour prendre en compte les données manquantes comme un évènement ou non. Analyses en sous-groupe planifiées selon le statut de professionnel de santé ou non, selon le délai après exposition, l'âge et le sexe

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